Il aboyait sous le hurlement des sirènes, l’âme déchirée,
à travers les cris, le rugissement et les flammes, à travers les cendres et les murs.
Il croyait que nous étions proches, que nous reviendrions.
Ce n’était pas la rage qui tremblait dans ses yeux, seulement l’amour.
La chaîne s’était in.c r∪stée dans sa peau, mais son cœur ne cédait pas.
Et chacun de ses aboiements résonnait comme un serment :
« Je vous attends, Maître. Je suis toujours votre chien.»

Je me souviens de lui différemment. Pas comme sur cette te.r ŕible photo de lui, assis, recroquevillé contre le mur, b.l ℮ssé, maigre, presque sans poils. Je me souviens de lui tel qu’il était avant : fort, beau, avec un pelage brillant et des yeux qui brillaient de joie. Il adorait les promenades matinales, quand nous traversions le parc, et qu’il courait devant, se retournant toutes les quelques secondes pour s’assurer que j’étais là. Je me souviens de lui m’apportant le ballon, sautant dans les flaques d’eau, m’éclaboussant, et s’allongeant à mes pieds le soir, soupirant lourdement, comme pour dire : « Je suis rentré, c’est tout ce dont j’ai besoin. » Parfois, je grommelais quand il traînait de la terre dans la maison ou me tirait vers un autre chien dans la rue, mais maintenant, je donnerais n’importe quoi pour entendre à nouveau son aboiement joyeux.
Quand les exp.l σsions ont commencé, tout a basculé. Cette nuit-là, nous sommes montés dans le bus, les sirènes hurlant si fort qu’elles couvraient toute pensée. Les gens criaient, se bousculaient, les enfants pleuraient, les adultes priaient. Et il aboyait. Il s’est précipité vers nous, tendant la chaîne. Je lui ai tendu les mains jusqu’au bout, mais les portes se sont fermées, le moteur a démarré et il est resté sur place. Ses yeux étaient emplis de désespoir, mais même là, j’y ai vu non pas de la ha.i חe, mais de la loyauté.
Pendant des semaines, j’ai vécu avec ce regard en moi. Chaque nuit, je rêvais de lui. Je le voyais assis près de la banquette, son corps s’amincissant, la chaîne lui en.t αillant le cou. J’entendais sa voix intérieure : « Pourquoi sont-ils partis sans moi ? Mais non, il ne pouvait pas m’abandonner. Il reviendra. J’attendrai. J’attendrai, même seule. »
Je savais qu’il le pensait. Parce qu’il m’attendait toujours. Même quand je travaillais tard, il s’asseyait près de la porte et écoutait mes pas. Même quand je partais pendant des jours, il ne mangeait pas avant mon retour. Et j’avais l’impression qu’il m’attendait maintenant.
Quand je suis retourné dans la ville en ruines, mon cœur battait la chamade. Tout autour de moi, il n’y avait que les ruines, l’odeur du brûlé et des cendres. J’avais peur de ne voir que les restes d’une chaîne et le vide. Mais il était là. Penché comme une ombre, son corps était desséché et ses yeux enfoncés. Sa fourrure était tombée en touffes, sa peau craquelée. Il ressemblait à la m.o ŕt elle-même, mais il était vivant. Il leva la tête et son regard croisa le mien. Il y avait une faible flamme dans ses yeux que je craignais de ne plus jamais revoir.
Je tombai à genoux et murmurai son nom. Il tremblait, mais il n’aboyait ni ne gémissait. Il regardait simplement. Et ce regard contenait tout : la d.o ∪leur, la solitude, la faim, mais aussi la foi. Sa voix intérieure résonnait en moi : « Je savais que tu viendrais. Je t’ai attendu. Même quand les jours se fondaient dans les nuits, même quand la faim me déc.h ìrait l’estomac, même quand je croyais que mon cœur allait s’arrêter. Je savais que tu reviendrais un jour. »
J’arrachai la chaîne rouillée de ses profondes bl.e ŝsures. Il respirait librement pour la première fois depuis des mois et posa sa tête dans mes bras. Je le soulevai, léger comme une coquille vide. Les gens me regardèrent, et quelqu’un dit : « Pourquoi as-tu besoin de ce squelette ? Il ne survivra pas de toute façon. » Mais je le portais, et chaque cellule de mon corps hurlait : « Il est à moi. Et je ne le trahirai plus. »
Les semaines qui suivirent furent di.f ƒiciles. Je le nourrissais petit à petit, lui donnais de l’eau dans mes mains, lui bandais le cou. Il dormait souvent, et je m’asseyais à côté de lui, écoutant sa respiration. Parfois, elle semblait s’arrêter, et je murmurais : « Non, pas maintenant, ne pars pas. » Il ouvrit les yeux, et une question se lisait dans ses yeux : « Tu es là ? Tu ne vas pas disparaître ? » Et je répondis : « Non. Plus jamais. »
Je me souvenais comme il m’apportait des pantoufles quand je rentrais. Comme il rôdait joyeusement à la porte, au simple bruit de la clé. Comme il s’allongeait sur le canapé, le nez dans mes genoux. Je lui disais : « Tu te souviens comme on courait dans le parc ? On courra encore. Tu redeviendras fort. »
Et un miracle se produisit. Un matin, il se releva tout seul. Ses pattes tremblaient, mais il resta debout. Il fit un pas, puis un autre. Son regard croisa le mien, et j’y vis une lumière. Son regard disait : « J’ai survécu. Je suis de nouveau avec toi. Nous vivrons. »
Maintenant, il dort à mes pieds. Son corps est encore couvert de ci.c αtrices, mais son cœur bat fort et confiant. Parfois, il lève la tête au ciel lorsque les sirènes retentissent au loin. Mais il ne hurle plus. Il me regarde, et j’entends ses mots silencieux : « Je ne suis plus seul. Tu es revenu. Et maintenant, nous sommes toujours ensemble. »
.Aucune faim ne peut briser l’amour. Aucune e.x ρlosion ne peut détruire l’espoir. Car le cœur d’un chien renferme ce que l’on perd souvent : un dévouement inconditionnel. Il était avec moi dans la joie comme dans la do.u łeur, et il est resté avec moi en e.n ƒer. Et maintenant, quand je vois ses yeux, je sais : je dois vivre ma vie de manière à être digne de sa loyauté.
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